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17e saison

 

2019-2020 : Célébrons BEETHOVEN et SCHUBERT

 

Messe en ut de BEETHOVEN

Messe en mi bémol majeur de SCHUBERT

 

 

L’année 1828, la dernière de sa trop courte existence (31 ans de vie), fut pour SCHUBERT particulièrement féconde, riche de chefs-d’œuvre au centre desquels culminent le Quintette en ut majeur (D 956) avec deux violoncelles et la Messe en mi bémol majeur (D 950), œuvre majeure du répertoire sacrée, au même titre que la Messe en si de BACH, le Requiem de MOZART, la Missa Solemnis de BEETHOVEN ou le Deutscher Requiem de BRAHMS.

 

  1. SCHUBERT : anti-héros romantique mais compositeur prolifique

 

En 1797, à Alsergrund, à l’époque un faubourg de Vienne (Autriche), naquit Franz SCHUBERT. Il est le 12ème enfant d’une famille de 14 frères et sœurs, dont le père est instituteur. Viennois de naissance, il ne quittera cette ville que pour rejoindre les Esterházy, mais c’est essentiellement par la musique que le compositeur voyage.

 

La pratique de la musique en famille est développée. On reconnaît très tôt le talent musical hors norme de Franz. Il rejoint le Stadtkonvikt qu’il devra quitter lorsque sa voix mue en 1813. Plus tard, SCHUBERT devait devenir instituteur. Se révélant inapte à ce métier, il devient finalement le premier compositeur à choisir de vivre uniquement de ses compositions. Il vit toute sa vie, sans jamais oser rencontrer BEETHOVEN, pourtant qu’il admirait profondément.

 

Son œuvre est prolifique et il composa jusqu’à ses dernières heures, laissant plusieurs œuvres inachevées. Il écrit environ 600 Lieder, un genre auquel il donne ses lettres de noblesse et qui lui permet de développer son intérêt pour la poésie. SCHUBERT fait oublier tous les autres compositeurs tant il émerveille son public. Plutôt que de traduire mot à mot les poèmes qu’il choisit, il préfère en peindre l’atmosphère au piano et laisser la voix s’épancher de la façon la plus bouleversante, quitte à ne pas être fidèle au texte à la lettre. La rencontre avec le grand baryton VOGL, avec qui se noue une solide amitié, facilite son parcours : c’est lui qui présente en public la majorité de ses Lieder.

 

À partir de 1822, il se coupe progressivement du public viennois (et parfois de ses proches), qui se trouve en décalage avec sa pensée musicale de plus en plus profonde, notamment lorsqu’il entre dans sa période de « maturité ». Dénué d’ambition et d’aspiration universaliste, il est l’opposé d’un BEETHOVEN.

 

Néanmoins, cet « animal social » sait s’entourer d’amis proches, chez qui il vit, avec qui il partage sa créativité musical et découvre la poésie. Ses œuvres sont jouées lors de « schubertiades » : réunion de lecture et de musique entre amis. Ce cercle musical n’est pas uniquement un lieu de jouissance et de plaisir : il symbolise une résistance à la chape de plomb qui pèse alors sur la société viennoise.

 

Il est atteint de la syphilis à 26 ans et meurt cinq ans plus tard à 31 ans en 1828, un an après BEETHOVEN. Après la génération des classiques viennois, SCHUBERT ouvre la seconde page de la musique moderne, le romantisme, qui prendra à Vienne et dans toute l’Europe son essor.

 

2. La musique sacrée chez SCHUBERT

SCHUBERT composa plusieurs œuvres sacrées. Il s’inscrit ainsi dans la longue tradition viennoise de musique sacrée, qui permit à des figures comme FUX, ALBRECHTBERGER, HAYDN, EYBLER, PREINDL, DIABELLI, Von WINTER et MOZART d’acquérir une grande notoriété.

 

Cette production n‘est malheureusement peu connue, bien que relativement importante : 6 Messes latines, la Deutsche Messe, un oratorio Lazare, un Stabat mater et une vingtaine de courtes pièces pour chœur, solistes, pianoforte ou orchestre. Il avait dix-sept ans, lorsqu’en 1814, il écrivit la première de ses six messes latines, soit quatre partitions de jeunesse de dimensions modestes et d’effectif plus ou moins réduit, teintées ici et là d’accents mozartiens. Plus tard, SCHUBERT compose deux œuvres majeures, la Messe en la bémol majeur (D 678) achevée en 1822 dite « messe solennelle » et la monumentale Messe en mi bémol majeur (D 950) dite « grande messe » que nous présentons.

 

SCHUBERT fut plongé dès son plus jeune âge dans la musique liturgique et la religion prit une place importante dans sa vie. Néanmoins, la manière dont le compositeur aborda le texte de l’ordinaire latin met en évidence la distance prise vis-à-vis d’une certaine conception de la religion.

 

SCHUBERT n’hésita pas à supprimer des passages ou bien à le réorganiser. C’est une des spécialités du « traitement schubertien » qui fit l’objet de nombreuses discussions. D’abord, SCHUBERT dépouille le texte de tout aspect ne correspondant pas à sa conception religieuse. Ensuite, SCHUBERT prit des libertés encore plus grandes dans le but d'approfondir l'expression ou d'améliorer un aspect particulier du sens.

 

3. La composition de la sixième et grande messe latine en mi bémol majeur D950

 

La composition d’une œuvre de cette ampleur prit à SCHUBERT plusieurs mois. La première date qui apparait manuscritement sur la partition est juin 1828, bien qu'il existe des témoignages selon lesquels aurait entamé la composition de cette œuvre alors qu’il composait sa cinquième messe. SCHUBERT y consacra une partie de l’été 1828, confiant épistolairement à ses amis proches qu’il travaillait « studieusement à une nouvelle messe ». Cette sixième et dernière œuvre du genre fut achevée en juillet 1828.

 

Cette œuvre fut composée en réponse à une idée formulée par Michael LEITERMAYER, chef de chœur du « Verein zur Pflege der Kirchenmusik » de l'église paroissiale de la Sainte-Trinité ou Alserkirche située à Alsergrund – aujourd’hui le Schubertkirche. Cette composition fit partie d’une commande plus large, gérée par son frère Ferdinand, qui comprenait notamment l’Intende voci (D 963), le Tantum ergo (D 962) et l’Hymne du Saint-Esprit (D 948). On pense que ces œuvres devaient participer à la célébration de la rénovation de cette église. En particulier, pour la restauration de la cloche qui s’était effondrée, SCHUBERT composa le Motet Glaube, Hoffnung, und Liebe (D 594), dont les premiers vers sont « Gott ! Lass die Glocke glücklich steigen ».

 

Malheureusement, le compositeur n’eut pas la chance de diriger, ni d’entendre sa grande messe. Peut-être parce qu’elle fut livrée après la date de la célébration ou parce qu’elle était trop ambitieuse pour le chœur paroissial de l’église...  

 

Quoi qu’il en soit, la messe fut exécutée après la mort de SCHUBERT, avec une première à l'Alserkirche (Vienne) le 4 octobre 1829. Ferdinand, le jeune frère, dirigea cette performance. Cette œuvre rencontra un franc succès et fut rapidement reprogrammée pour une seconde représentation en l'église de Maria Trost (Vienne) le 15 novembre 1829. 

 

Il n’est pas étonnant qu’un épais mystère règne autour de cette œuvre.

  • Est-ce que SCHUBERT compose un requiem, une œuvre emprunte d’un pressentiment ou d’un désir de mort ?

  • Est-ce que SCHUBERT traduit la souffrance physique qu’il endure ?

  • Est-ce que SCHUBERT questionne sa foi au point de ressentir une angoisse existentielle ?

  • Est-ce que SCHUBERT compose une œuvre emprunte d’une intensité dramatique, mettant à profit son don de conteur ?

  • Est-ce que SCHUBERT exprime, notamment dans l’Agnus Dei sombre s’il en est, un mal être en raison d’une liberté inatteignable dans une société peu libérale ?

 

Plus simplement, peut-être, cette œuvre traduit la complexité de l’âme schubertienne : joviale et souriante, sombre et tragique.

 

4. La structure de l’œuvre

 

SCHUBERT qualifia cette œuvre de grande messe, pour le moins imposante par ses dimensions et sa durée. A l’instar de la Messe en Ut ou la Missa solemnis de BEETHOVEN, cette grande messe avait la vocation de servir un office religieux mais avait été pensée pour un concert de musique sacrée.

 

Conformément à l’ordinaire de la messe latine, l’œuvre est structurée de la manière suivante : 

  • Kyrie : 

    • Andante con moto, quasi Allegretto, mi bémol majeur, 3/4

  • Gloria : 

    • Allegro moderato e maestoso, si bémol majeur, temps commun

    • Domine Deus, Andante con moto, sol mineur, 3/4

    • Quoniam tu solus sanctus, Allegro moderato e maestoso, si bémol majeur, temps commun

    • Cum sancto Spiritu, Moderato, si bémol majeur, alla breve [Fugue]

  • Credo : 

    • Moderato, mi bémol majeur, alla breve

    • Et incarnatus est, Andante, La bémol majeur, 12/8

    • Et resurrexit, Moderato, mi bémol majeur, temps commun coupé, pour solites et choeur

    • Et vitam venturi saeculi, Moderato, mi bémol majeur, 12/8 [Fugue]

  • Sanctus : 

    • Adagio , mi bémol majeur, 12/8

    • Osanna in excelsis , Allegro ma non troppo , Mi bémol majeur, 2/4 [Fugue]

  • Benedictus : 

    • Andante , la bémol majeur, alla breve, pour solistes

    • Osanna in excelsis, Allegro ma non troppo, Mi bémol majeur, 2/4  [Fugue]

  • Agnus Dei :

    • Andante con moto, ut mineur, 3/4

    • Dona nobis pacem, Andante, mi bémol majeur, alla breve

    • Agnus Dei, Andante, Mi bémol mineur, 3/4

    • Dona nobis pacem, Andantino, mi bémol majeur, alla breve, pour solistes et chœur

 

L’œuvre est écrite pour :

 

La tonalité de mi bémol majeur est utilisée dans la majorité des mouvements de cette œuvre : SCHUBERT fait preuve d’une grande rigueur tonale. Toutefois, il manipule d’une manière remarquablement agile l’harmonie, au moyen de chromatisme ou de cheminements harmoniques audacieux. Ainsi, dans une démonstration de « modulation inhabituelle et profondément proto - romantique », le Sanctus s'ouvre en mi bémol majeur, passe en si mineur, puis en sol mineur et enfin en mi bémol mineur, le tout en 8 mesures… Epoustouflant !

 

Nous vous proposons la version dont la réduction pour piano a été réalisée par BRAHMS. Le texte latin est prononcé à l’allemande : le « y » devenant un « u » dans « Kyrie » ; le « c » devenant un « ts » dans Excelsis ; le « oe » devenant un « eu » dans « Coelis »…

 

5. Quelques mots sur cette grand œuvre

 

Cette dernière œuvre sacrée est grandiose et émouvante, simple et recueillie. Elle atteint une puissance et une profondeur exceptionnelle. Parmi les si nombreux passages, quelques-uns pourraient mériter notre attention...

  • Le « Christe eleison » du premier mouvement surgit furtivement et laisse une jolie impression...

  • Dans le Gloria qui débute a capella, le « Crucifixus » présente des chromatismes et modulations inquiétantes, auxquelles s’ajoute une écriture en canon et des nuances marquées, participant au caractère dramatique. Dans la fugue « Cum sancto spiritu », l’orchestre et le chœur renchérissant, comme dans une compétition, pour atteindre un climax d'une grande intensité.

  • Le Credo s'engage par un roulement de tambour, dans une ambiance de recueillement ; après un subtile développement, la fugue « Et vitam venturi saeculi » prend un essor monumental, avec quatre développements et une grande conclusion.

  • Le Benedictus apporte de la volupté, notamment par l’intervention des solistes.

  • Les modulations du Sanctus nous plonge dans un univers qui nous fait voyager au-delà du réel.

  • L’Agnus Dei s’engage sans préavis, par une fugue inspirée de celles composées par BACH et nous plonge dans un univers angoissant, pour néanmoins déboucher sur la lumière.

 

En sus de cette brève description, voici quatre points qui ont marqué mon émerveillement :

  • Une œuvre d’une grande longueur et imposante : les mouvements sont largement développés, la musique donne toute sa place au chœur et à l’accompagnement.

  • Une œuvre rigoureusement structurée, ce qui contribue à la clarté du discours musical, mais ne pèse nullement sur le déroulement musical.

  • Une écriture sobre et économe du point de vue mélodique : SCHUBERT compose avec la plus grande attention ses lignes mélodiques, qu’il adapte aux différents éléments du texte de l’ordinaire, ce qui confère à cette œuvre une grande unité musicale.

  • Une œuvre caractérisée par une double recherche : à la fois sur l’harmonie et sur la forme contrapuntique. Ce qui traduit la dimension romantique de SCHUBERT et son intérêt développé tardivement pour l’une des plus grandes formes de la musique ancienne.

 

D’un point de vue vocal, cette œuvre est majoritairement consacrée au chœur, les parties de solistes étant plus limitées. On notera un trio composé de deux ténors et d’une soprane dans le « Et incarnatus Est ».

 

Cette messe se distingue des quatre premières messes par la « position musicalement interprétative des mots ». SCHUBERT verse dans cette musique tout le talent qu’il a su développer dans des Lieder et chœurs profanes pour renforcer le sens du texte de l’ordinaire de la messe latine. Ainsi, SCHUBERT nous se permet de nous éloigner du rituel romain et nous emporte tour à tour, comme à l’Opéra, dans une dramaturgie ou une insouciance, desquelles on sort comblés.

 

L’un des plus grands spécialistes de la musique de SCHUBERT, Brian NEWBOULD, a estimé que les messes tardives étaient « les deux plus beaux et les plus substantiels arrangements » du compositeur, considérant la messe n°6 en mi bémol D950 comme étant « le triomphe et le chant du cygne de la carrière de [SCHUBERT] ». Le biographe de SCHUBERT, Kreissle Von HELLBORN, écrit que cette œuvre « prend rang avec les compositions les plus importantes du genre écrites à l'époque ».

 

6. Références et influences

 

Pour composer cette œuvre, SCHUBERT emprunte de nombreuses références.

  • La première à laquelle on pense immédiatement est celle de BEETHOVEN, qui se fait sentir dans la messe, notamment par « l'ambitieuse architecture beethovenienne » et plus ponctuellement par un clin d’œuil au thème final de la 9ème symphonie créée quatre ans plus tôt. Rappelons que SCHUBERT avait porté un flambeau aux funérailles de BEETHOVEN, qui se sont tenues… dans l'Alserkirche (la boucle est bouclée…).  

  • Les références aux fugues de BACH sont directes. Ainsi, pour le « Cum sancto spiritu » du Gloria, SCHUBERT s’inspire directement du sujet de la « Fugue n°9 en mi majeur » BWV 878 du Clavier bien tempéré. Pour l’Agnus Dei, SCHUBERT s’inspire des motifs en croix largement exploités par le cantor de Leipzig, comme dans la « Fugue en ut dièse » BWV 849 du Clavier bien tempéré. Par ailleurs, il reprend dans les première note de la fugue de l’Agnus Dei celles du mouvement  « Et incarnatus Est » du Credo.

  • SCHUBERT s’inspire de l’atmosphère musicale des grandes œuvres sacrées comme le Requiem de MOZART ou la Heiligemesse de HAYDN, largement jouées à son époque.

  • Enfin, SCHUBERT puise dans le répertoire populaire, notamment de la musique bohémienne, dont quelques mesures sont retranscrites dans les dernières mesures de l’Agnus Dei, en écho aux mélodies hongroises qu’il composa quelques années plus tôt.

 

Il est intéressant de noter toute l’ambivalence à propos de la perception de cette œuvre. À peine jouée, elle remporta auprès du public viennois un grand succès. Mais, les critiques musicaux n’étaient pas tous unanimement enthousiastes, en raison des déviances du texte, de l’ampleur de l’œuvre ou encore de son caractère parfois éloigné du sacré…

 

Enfin, l’édition de l'œuvre fut longue et complexe. Ferdinand, frère de Franz, tenta à plusieurs reprises quelques années après ses premières exécutions, de vendre le manuscrit à plusieurs maisons d’édition afin d’être imprimé : en vain ! Ce fut seulement en 1844 que la partition fut vendue au directeur du Conservatoire de Rome. En 1862, le manuscrit fut transféré à Berlin. Trois ans plus tard, BRAHMS remettra cette œuvre à l’honneur en produisant une réduction pour piano et en permettant une large diffusion. Cette messe a également pu avoir influencé la composition de la Messe en fa mineur de BRUCKNER.

œuvre

 

 

Franz

SCHUBERT

(1797-1828)

1808 : Admis à la chapelle de la cour impériale pour sa jolie voix et son habileté à déchiffrer.

1813 : Il s’échappe de l’institution religieuse qui l’a formé, par envie de composer.

1816 : Il s’installe chez son ami, le poète Schober.

1818 : Il quitte l’école de son père et travaille comme précepteur musical de la famille du comte Esterhazy durant l’été.

1828 : 1er concert public à Vienne composé exclusivement de ses œuvres.

1865 : création au titre posthume de la Symphonie n° 8, « L'inachevée ».

Messe n°6 en mi b majeur D 950

  • Kyrie.

  • Gloria

  • Credo

  • Sanctus

  • Benedictus

  • Agnus Dei

Ludwig van

BEETHOVEN

(1770-1827)

1787 : il joue devant Mozart.

 

1792 :  à Vienne, il devient l’élève de Haydn.

 

1802 : atteint par sa surdité, il rédige le Testament d’Heiligenstadt.

 

1812 : il rédige la célèbre Lettre à l’éternelle bien aimée, qui va intriguer de nombreux musicologues sur l’identité de son destinataire.

 

1814. : son opéra Fidelio, version remaniée de Leonore, connaît enfin le succès.

 

1824 : création de la Symphonie n° 9. Beethoven n’entend pas l’ovation du public.

Messe en Ut Opus 86

  • Kyrie.

  • Gloria

  • Credo

  • Sanctus

  • Benedictus

  • Agnus Dei

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Autrographe de

SCHUBERT

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Signature de

SCHUBERT

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KLIMT représentant une "schubertiade"

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Ecce Homo, LE TITIEN

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